La fin d'une dynastie

Le 20 septembre 1588, Jean Castagner de Aucastels, fils d'Emeric-Marie, épouse Antoinette du Faur, fille du premier président du Parlement de Toulouse. C’est un mariage dicté par la nécessité de renflouer les caisses de la famille, mises à mal par une mauvaise gestion et des années de procès coûteux. De plus, nous sommes en plein cœur du "petit âge glaciaire", et à la même période Gabriel de Montgomery (le régicide involontaire d'Henry II) et ses Huguenots ont ravagé la région, détruisant les récoltes et mobilisant les hommes. La dot de la jeune femme est alors la bienvenue. Une grande partie de cette dot est immédiatement engloutie dans le remboursement des dettes des Castagner.


Jean meurt prématurément sans laisser de descendance, Et son frère, Antoine, prend possession du château d'Aucastels, le testament de Jean, établi le 26 avril 1586, préalablement au mariage, lui en donnant le droit.
Le 20 août 1598, Antoinette se remarie avec Gaston de Ferrand de Mauvezin (ou Mauvoisin), d’une famille de parlementaires bordelais. Tout naturellement, Antoinette s’adresse à son beau frère, Antoine Castagner de Aucastels, et lui demande le remboursement de sa dot, soient 18 000 livres.
Antoine est bien incapable d'honorer cette dette, et, par ailleurs, il en réfute la légalité, invoquant une substitution du contrat de mariage de son père.
Après plusieurs années de procès, le parlement de Bordeaux, par une sentence du 11 août 1612, condamne les Castagner à rembourser la dot d'Antoinette du Faur.

château de Mauvezin

Le château sur motte de Mauvezin
La famille Mauvezin compte de nombreuses autres places fortes dans tout le Sud-Ouest


Devant la résistance des Castagner, Antoinette, devenue de Mauvezin par son mariage, lève une armée de 300 à 400 hommes et vient assiéger Aucastels, causant de nombreux ravages au château et dans les hameaux environnants.
Immédiatement, les Castagner s'adressent au Roi de France. Celui-ci, par un courrier en date du 17 septembre 1612, autorise Emeric-Marie et son fils Antoine, gentilhomme ordinaire de la Chambre du Roi, à récuser, devant le Parlement de Toulouse, les familles du Faur et Mauvezin, partie adverse. La raison invoquée est qu'un proche parent d'Antoinette est membre du parlement de Bordeaux qui a condamné les Castagner
Le 20 septembre, les Mauvezin s'adressent aux Capitouls de Toulouse (dont dépend juridiquement Aucatels) afin d'obtenir des canons qui leurs permettraient d'obtenir un avantage incontestable. Ceux-ci refusent et renvoient les deux parties à trouver un arrangement amiable.
Des intermédiaires s'emparent de l'affaire et, devant Pons de Themines, Chevalier du Roi, sénéchal et gouverneur du Quercy, il est admis, le 23 octobre 1612 que le château de Aucastels sera mis entre les mains du baron de Flamarens, à titre conservatoire en attente d'un règlement définitif. L'arbitrage est confié à 6 chevaliers et 2 ecclésiastiques encadrés par le comte de Carmaing.
Mais tout cela traîne en longueur : les parties ne s'accordent pas, les arbitres peinent à trouver un arrangement et le château, abîmé par les combats et inoccupé, commence à se dégrader.

Pons de Thémines

Pons de Thémines, Chevalier du Roi et Maréchal de France

et

Antoine de Roquelaure, Lieutenant Général du Roi et Maréchal de France

Antoine de Roquelaure

Par ordonnance du 8 décembre 1613, Antoine de Roquelaure, Lieutenant Général du Roi assiste les Mauvoisin/Faur dans la constitution d'une armée et fournit un canon.
En février 1614 Antoinette du Faur et son mari le Baron de Mauvezin obtiennent une nouvelle condamnation contre Antoine Castagner de Aucastels et sa femme Antoinette de Paluel, obligeant Nicolas Deymier, Lieutenant du Roi à fournir aux plaignants tous moyens militaires pour prendre "morts ou vifs" les époux Castagner et leurs complices.

La famille Castagner s'est repliée au moulin de la Valette (actuel lieu-dit "La Balette"), situé sur la Barguelonne, en contrebas de Aucastels. Durant les deux ans qu'ils avaient gagnés sur l'exécution de la sentence, ils avaient fortifié le lieu, l'entourant de fossés, palissades, casemates et autre fortifications en vue d'un siège.
Quelle ne fut pas leur surprise de voir se déployer, autour de leur position, le 15 février 1614, une véritable armée de 140 gentilshommes et gendarmes encadrant 420 arquebusiers et 4 canonniers
Devant la pauvre fortification, Monsieur de Mauvezin inspecta la troupe et fait distribuer balles, poudre et mèches à chaque soldat. Le lieutenant du Roi, Nicolas Deymier avait, quant à lui, prit ses quartiers au château de Aucastels, devenu quartier général pour les nobles encadrant les soldats. Monsieur de Mauvezin et Nicolas Deymier consignent toutes les actions et en font un compte-rendu précis.

plan des lieux de la bataille pour la possession de Aucastels

plan Google Maps

Plan des lieux de la bataille pour la possession de Aucastels, le long du VC 5

Le frère de Monsieur de Aucastels, Annet de Saint-Urcisse, qui habitait habituellement Loubejac, avait pris position à l'actuelle Métairie Basse (alors dénommée "Borde Basse", sans doute parce qu'elle était confiée à un métayer, qu'il ne faut pas confondre avec l'actuel lieu-dit qui porte ce nom et qui appartenait au fief de La Garde en Calvère), située à flanc de vallée, à mi-chemin entre le château et le moulin, sur le CV 5. Il avait fortifié le lieu et s'était entouré de gens d'armes qui tiraient sur toute personne approchant du fortin. Deux consuls de Lauzerte, mandés par le Lieutenant du Roi, vinrent parlementer avec le Sieur de Saint Urcisse. Celui-ci indiqua qu'il était en ces lieux, non concernés par l'accord de partage, pour le protéger de la soldatesque, mais qu'il ne s'opposerait pas à l'exécution de l'arrêt du Parlement.

Le 17 février, le Lieutenant du Roi commence le siège du moulin. Il fait mander à Monsieur de Aucastels de se rendre pour être mené à la Conciergerie et répondre de ses actes devant la cour.
La réponse à cette proposition fut une salve de mousquets et d'arquebuses occasionnant une blessure mortelle pour deux soldats assiégeants.
Le 18 février, une nouvelle tentative d'interrompre le combat est proposé aux assiégés, mais c'est encore la mitraille qui répond.
On commence alors à bombarder le moulin, mais sans grand résultat
Le 19 février, la troupe fit mouvement pour s'approcher du moulin sous couvert d'un tir nourri. Les occupants du moulin s'esquivèrent par une porte dérobée et se réfugièrent à la Métairie Basse auprès d'Annet de Saint Urcisse
La troupe, ayant vu la manœuvre, poursuivit les fuyards. Mais, à proximité de la métairie, ils furent cueillis par des tirs d'arquebuse dont l'un atteint le noble Jacques de Voisins, lui causant des blessures mortelles. La troupe recula et les occupants de la métairie se précipitèrent pour larder le mourant de coups d'épée et de hallebarde. Ils lui volèrent son équipement et ses armes.
La troupe resta alors à distance et le lieutenant du Roi retourna à Lauzerte mander les consuls pour qu'ils prêtent main-forte et servent de témoins oculaires à la résistance de la famille Castagner. Ceux-ci refusèrent, arguant qu'ils seraient seuls dans cette négociation et soumis à la mitraille des assiégés.

Parlement de Bordeaux

Le Parlement de Bordeaux au XVIIème siècle


En revenant à Aucastels, il fut surpris d'apprendre que Monsieur de Mauvezin et des amis communs des deux partis, dont Monsieur de Cabrières, avaient négocié une capitulation des assiégés, aux termes de laquelle, Madame de Aucastels et le meurtrier de Monsieur de Voisins lui seraient remis pour être conduits à la conciergerie du Parlement de Bordeaux afin de répondre de leurs actes. Plusieurs prisonniers sont conduits au château de Aucastels pour y être emprisonnés et Monsieur Castagner de Aucastels, malade, est remis aux consuls de Lauzerte. Il y reste trois semaines avant d'être remis au Lieutenant Général du Roi, le Duc de Roquelaure. Madame de Aucastels demande à rester avec son mari et propose de rencontrer Madame de Mauvezin pour trouver un arrangement. Mais, le 24 mars, le Duc de Roquelaure conduit le couple à Marmande, puis à Bordeaux où Antoine de Castagner est jugé et condamné à mort.

Cardinal de Sourdis

Le Cardinal de Sourdis, originaire du Poitou, ami des Castagner, demanda alors à Louis XIII de le relever de cette peine. Le Roi signa cette demande sans même connaître les tenants et aboutissants de l'affaire. Lorsque le Cardinal présenta la lettre de grâce du Roi, le concierge du Palais fit prévenir le Président du Parlement qui, après avoir réuni ses conseillers, fit valoir les faits graves reprochés à Antoine Castagner de Aucastels et amena le Chancelier à révoquer cette grâce royale.

Voyant les manoeuvres pour faire sortir Monsieur de Castagner de prison, le Président du Parlement voulu procéder à l'éxécution du prisonnier au plus vite. Mais il fut impossible de trouver le bourreau : le Cardinal de Sourdis l'avait fait enivrer et on ne le trouva qu'à 22h, trop saoul pour officier. Le lendemain, Sourdis sortit de l'Archevêché avec 50 gentilhommes à cheval. Il se rendirent au Palais dont ils brisèrent les portes et, après avoir tué le concierge, emmenèrent Antoine de Castagner.

Le soir même, toute cette troupe soupait tranquillement au château de Lormont, propriété de Sourdis, qui, sans vergogne, revint, quelques mois après, siéger au Parlement qu'il avait tellement méprisé à cette occasion.

On n'entendra plus parler d'Antoine de Castagner qui revint s'installer dans sa résidence de la Forêt de Bourlinges (actuel Bourlenges. sur les hauteurs de Saint Simplice), qui n'était pas concernée par l'accord de partage avec Madame de Mauvezin, et sous la protection des Durfort.


L'affaire trouvera son dénouement définitif le 19 août 1645, à l'issue d'un procès au Parlement de Bordeaux entre Antoine II de Castagner, fils du précédent, et Marguerite de Ferrand, dame de Mauvezin, épouse d'Hector d'Escodeca de Boisse, fille et héritière d'Antoinette du Faur, ancienne épouse de Jean de Castagner.
À l'issue du procès, Madame de Ferrand épouse d'Escodeca de Boisse est rétablie dans son titre de dame d'Aucastels et dans la possession de la terre et de la seigneurie, avec ses appartenances et dépendances. Antoine II de Castagner pourra se faire payer, par les héritiers de Monsieur de Saint Urcisse, les 10 000 livres que ceux-ci devaient à Madame de Mauvezin. Il bénéficie aussi de la possession des métairies de Sabatier, près de Lascabanes.
Ainsi, il aura fallu 33 ans pour attendre le dénouement de cette affaire qui aura fait force morts et ruines et aura coûté son domaine et ses titres à la famille Castagner de Aucastels
L'histoire se terminera pour les Castagner de Aucastels, mais continuera pour les héritiers des Mauvezin / Faur avec la construction de Haut Castel le Neuf.

 

Il est à noter que les familles "Castanié" qui se trouvent actuellement dans la région ne sont pas de la lignée des Castagner de Aucastels, mais sont les descendants d'un riche bourgeois bordelais qui a acheté de nombreuses terres et y a installé ses enfants pour faire fructifier sa fortune.

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Mis à jour le 19.02.2018