Les Seigneurs de La Garde en Calvère

L'histoire (connue) de Lagarde en Calvaire commence à la fin du Moyen Âge, au Xème siècle. Il s'agit alors d'une possession de l'abbaye de Moissac, qui semble se limiter à la butte de Lagarde et à la grande combe qu'elle surplombe, puisque les autres terres, au-delà de cette combe seront acquises ultérieurement
Les moines ont concédé l'administration du domaine à la famille Rozet, nobles influents de la région. Pour défendre leurs terres, protéger les agriculteurs et les récoltes, ils édifient une motte castrale, une surélévation artificielle au profil régulier, un amoncellement de pierres, un glacis défensif surmonté d'une petite église consacrée à Saint Martin, de bâtiments, d'une tour de défense et d'une clôture. C'est alors un lieu de villégiature pour les moines. En ces temps où une épidémie peut décimer une ville en quelques mois, ce lieu isolé en pleine campagne permet de se mettre à l'abri des miasmes.
Il est destiné à accueillir, provisoirement, les occupants de la basse-cour toute proche (voir La Maruc), les agriculteurs (qui ont leur maison près de la terre qu'ils cultivent) et les récoltes, en cas d'attaques de brigands. On peut penser que, dans la région, et si on prend l'exemple d'autres constructions défensives datant de la même époque, la tour et l'enceinte étaient déjà bâties en bois ou en assemblage de pierres sèches.


Entre 1072 et 1085, l'abbé Hunaud de Layrac, supérieur de l'abbaye de Moissac, fait l'acquisition de l'église de Saint Mamet (entre Montbarla et Montesquieu, détruite depuis et dont on ne sait plus exactement où elle se trouvait), étendant le domaine vers l'ouest. Entre 1085 et 1145, sous l'abbatiat d'Ansquitil et celui de Roger, le territoire des moines s'étend à l'est avec la paroisse de Saint Avit de Combelongue et au sud avec la paroisse de Saint Sulpice du Chieulet, actuel Saint Simplice, sur l'autre rive de la Barguelonne.
En 1193, Bertrand, abbé de Moissac, donne en commande à Raymond d'Albiac, l'honneur de La Garde et de Saint Mamet son annexe. C'est à dire que Raymond d'Albiac va administrer le domaine jusqu'à sa mort, engranger les récoltes et reverser aux moines un quantième des récoltes et la dîme.


Au Moyen Âge, le terme "Garde" désigne un type de tenure, la seule manière légitime de concéder une forteresse. La Garde est donc déjà un lieu de défense, même sommaire, avec des hommes d'arme permanents.


À la mort de Robert d'Albiac, au mois de juillet 1204, Robert de Labastide, abbé de Moissac baille à fief, sous certaines conditions, la moitié de l'honneur de Saint Martin de La Garde aux frères Arnaud et Guillaume Calvère. Charge à eux de contruire la moitié d'une enceinte et une solide tour.
En 1208, l'abbé Raymond de Proet et le provincial d'Aquitaine Guillaume de Lagarde passent un accord, devant maître Pinet, notaire, avec Guillaume Calvère, en vertu duquel celui-ci devait avoir complètement sous ses ordres les hommes et les femmes résidant dans son château. Cet acte prouve qu'à cette époque un "château" a été édifié sur le site, sachant qu'à l'époque médiévale un château peut très bien être un simple donjon ou un ensemble d'habitations sommaires protégées par une clôture et un fossé.
On peut donc dire qu'en 1208, La Garde en Calvère est un lieu bien défendu, habité par de nombreuses personnes et des hommes d'arme.
C'est le même Robert de Labastide qui signa, avec Simon de Montfort, en 1212, le partage des biens de Raymond VI, comte de Toulouse que le chef de la croisade contre les Albigeois a spolié.
Ainsi, il est très improbable que les troupes croisées aient détruit La Garde en Calvère en 1214, comme cela est affirmé par des historiens catholiques du XIXème siècle, alors qu'ils avaient passé un accord avec les moines de Moissac, propriétaires des lieux et que cette destruction ne figure pas dans le "Catalogue des actes de Simon et d'Amauri de Montfort". (voir Le XIXème siècle et l'histoire revisitée)


D'autant que la construction du château continue et se terminera en fin de XIIIème siècle lorsqu'en 1269, Arnaud Gausbert de Castagner se vit attribuer le tiers de la juridiction de Lagarde et un sixième des droits seigneuriaux à condition qu'il construise "le tiers de la moitié d'un bon et fort château, formé de murs et fossé et le tiers d'une salle et d'une tour". Cet acte fut confirmé par Philippe le Hardy en septembre 1274, lors de la prise de possession par Pons de Rozet.

lagarde en calvaire

Les ruines de l'église Saint Martin et du château de La Garde en Calvère

 

La famille Rozet en devient finalement propriétaires au XVème siècle, à l'issue de la guerre de cent ans.
Au moment de la Révolution, La Garde en Calvère est la propriété de Charles Armand de Rozet, qui est criblé de dettes. Le château est vide de mobilier et ses vêtements sont réduits au strict minimum : "3 paires de lunettes, 3 gilets, un habit de drap noir et un autre en étoffe dite éternelle". Le 11 juillet 1793, Charles Armand de Rozet vend le domaine et le château à Jean Lugan, notaire à Lauzerte.
Onze ans plus tard, le 5 thermidor an 12 (24 juillet 1804), Josèphe Marie Catherine Rozet, fille de Charles Armand et épouse de Jean Louis Daudebard de Férussac, habitant au Chartron, rachète la propriété familiale à Jean Lugan et s'y installe avec sa famille. À la mort du Baron de Férussac, le 20 juillet 1815, son épouse reste seule propriétaire. Pour régler les frais de succession, après la mort de la Baronne de Férussac, née Rozet, le 21 janvier 1842, la propriété est vendue au Colonel en retraite Jean Baptiste Belvèze. À cette époque, le domaine a été vendu par lots. Le château est sérieusement dégradé. L'église n'est plus utilisée, désertée après le transfert du cimetière à Saint Avit, au grand dam de la population. Sa toiture s'effondrera en 1845, ce qui entraînera la ruine rapide de la nef.
À partir de 1861, le domaine change plusieurs fois de propriétaires. Ils n'y résident pas et le mettent en fermage. Et en 1905, le château est vendu à un entrepreneur et partiellement démantelé pour la récupération des matériaux.
Les ruines subsistantes, propriété privée, sont inscrites à l'inventaire des monuments historiques, et les services culturels ont assuré la préservation de la tour par la mise en place d'une toiture.


Le nom de lieu-dit, "La Garde en Calvère" était en usage au moins jusqu'à la Révolution. Par contre le cadastre de 1890 indique le nom de "Lagarde en calvaire" sans que la raison de cette modification administrative soit connue.

 

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Mis à jour le 05.03.2018